L'Océan : Terre de peintres

De l'histoire de la marine au dur labeur de la pêche, de la plaisance dans les petits ports aux catamarans des skippers, l'océan, les navires, les voyages et les marins hantent depuis toujours l'art pictural.
Un tour d'horizon, non exhaustif, pour commencer 2010 sous les augures de Poséidon.

Les forces de la nature

En 1981, Hokusai (plus grand peintre japonais du XIXe siècle) commença la réalisation des Trente-six vues du Mont Fugi, qui feront sa renommée mondiale. La Grande Vague de Kanagawa est la plus célèbre de ses illustrations.
Tout au fond de l'image, le Mont Fuji semble bien minuscule, tout comme l'embarcation chahutée, face à l'imminence de la vague, une constatation en un temps où les océans restaient maîtres de la destiné des hommes, et non le contraire...
Pour réaliser cette estampe, il se servit du bleu de Prusse qui venait juste d'être introduit au Japon et donna ainsi à l'Océan Pacifique une couleur nouvelle et envoutante.

La Manneporte d'Hilaire

Des falaises à pic, des barques, les couleurs de la Normandie en automne. Camille Hilaire arrête le temps pour nous le présenter, parfait dans son éternité immémoriale dont ces falaises sont issues. A Etretat, la Manneporte, qui suscita l'intérêt pictural de Monet il y a plus d'un siècle, est une roche marine qu'Hilaire revisite, à sa manière, mais sans en faire son sujet principal, juste un détail de son arrière plan...
Car au premier plan ce sont deux barques, qui attendent sur le sable, les voiles repliées, se confondant avec les gris et les bruns de la roche, dans une lumière d'après la pluie, quand tous les bleus et les verts se réinventent, qui le séduisent. Comme si l'éphémère de ces deux petits bateaux lui semblait bien plus urgent à saisir que les millénaires de la Manneporte. Mais pour Hilaire qui aime à capter la lumière d'un instant fugace, c'est finalement logique....

La course à la gloire

Il y a quelque chose d'inaccessible dans les exploits des barreurs aux commandes de leur monstres de vitesse. Des bateaux taillés pour l'équilibre, entre l'écume des crêtes salées et le ciel habité par le vent.
Prendre le vent, le voler à son adversaire au cours de ces régates où un seul équipage finira fourbu mais heureux. De l'America Cup à la Coupe du Roi, la survivance de la conquête des Océans demeure un sujet magique pour bien des artistes, et notamment pour Paul Ambille, peintre de la marine.

Les bateaux des dessinateurs de BD

Des navires de la Marine royale de Bourgeon qui y embarque Isa, son héroine charismatique, à Corto, le marin idéal d'Hugo Pratt en passant évidemment par les navires réinventés de Schuitten nous invitant au voyage, la bande dessinée a beaucoup navigué.
Mais c'est Nicolas De Crecy qui retient, aujourd'hui, mon attention, par son cadrage incroyable d'un cargo égaré, d'une autre époque, sur la Loire. Les rencontres improbables étant les plus belles, dans la lumière d'un soleil rougeoyant, De Crecy imagine une impossible réunion et nous y convie...

La communion

Giardino, avec cette magnifique sérigraphie, a su saisir l'essence de la plaisance. Des couleurs aux traits, de la simplicité du sujet à l'intelligence du traitement, il évoque sans trahir, glorifie sans pervertir, rend hommage sans se perdre. Une oeuvre parfaite pour un instantané de vie, simplement rendu magique par le talent d'un artiste.

Terre et mer de Provence

Parce que c'est une des découvertes que tout non-natif de la Provence se doit de faire un jour, terminons notre petite exploration de l'Océan sur les rives de la Méditerranée. Entre l'eau et les falaises où s'enorguieillissent les pins poussant presque à même la roche, subsistent les Calanques.
Entre Marseille et Cassis, ces petits dédales, où la douceur des clapotis de l'eau s'amourache d'un vent qui n'ose, en ces lieux, venir troubler l'harmonie parfaite, ont la beauté de créations divines.
Pour Jean-Claude Quilici, le marseillais, l'aisance du talent s'allie à l'élégance du lieu pour nous offrir la représentation idéale d'un petit coin de paradis qui n'est pas tout à fait la mer, mais plus tout à fait la terre...

© Textes & Photos: Natacha PELLETIER pour PASSION ESTAMPES