Le nouveau réalisme : Le beau au quotidien

Au début des années 60, tandis que les rêves de la génération née dans l'après-guerre tardent à se mettre en place, un groupe, d'abord mené par Pierre Restany et Yves Klein, émerge dans l'art graphique français (et suisse).
Le Nouveau Réalisme, dans sa première mouture, est un hymne à la beauté du quotidien, aux objets de notre vie courante; une sorte de Pop Art à la française.

La rupture

En 1961, un second manifeste du groupe fait la part belle à un héritage issu du dadaïsme, dans la lignée de Marcel Duchamp. Klein, en désaccord avec ce virage idéologique, quitte le groupe.
Celui qui était le plus rebelle du mouvement, restera pourtant toujours associé, dans la mémoire collective, avec ce cénacle d'artistes provençaux, gouailleurs, qui aimaient discourir et rêvaient d'une révolution colorée...

Un bleu rebelle

Pour Klein, elle passait par la disparition du vecteur existant entre le peintre et sa toile. Ainsi, il decida d'abolir le pinceau, pour peindre directement « à l 'aide d'êtres humains », préalablement « trempés » dans la peinture, de préférence d'une teinte bleue qu'il avait créée, et qui porte son nom, le célèbre « bleu Klein ».

Sous les ordres de Klein, le modèle-pinceau se roulait alors sur la toile pour exprimer la part d'ombre contenue en chaque être humain et dévoilée ainsi, de façon primitive, par des contorsions laissant une trace « anthropomorphique » bleue sur la toile blanche, le tréfond de l'âme humaine.

Iconoclaste et jusqu'au-boutiste, Klein n'eut pas le temps d'explorer plus avant sa réflexion, emporté par une crise cardiaque dans sa trente-quatrième année. Son impact sur l'art français est pourtant l'un des plus importants de la seconde moitié du XXe siècle.

Triomphe de la "Nana"

Niki de Saint Phale, seule femme du groupe, et féministe, comme il se devait dans ces années d'avancées significatives, donna naissance aux « Nanas », personnages féminins surdimentionnés, incarnations colorées de la femme, à la fois mère, régente et dominante; sorte de fusion entre l'être capable d'engendrer la vie et la déesse nourrissière symbolisant une Terre généreuse, belle et fertile.

Sa démarche, très abordable par le grand public, fit d'elle la première figure emblématique des Nouveaux Réalistes. La nature joyeuse et heureuse de sa peinture y contribua beaucoup, au sortir d'années qui avaient été picturalement marquées par l'existentialisme de Buffet.

Compressions populaires

César, fils de la Belle de Mai, connut la reconnaissance médiatique lorsque son nom et son art furent associés à la plus prestigieuse des récompenses du cinéma français. C'est alors que ses compressions entrèrent dans l'imaginaire collectif et que « l'Empereur de Fer » permit à la sculpture abstraite de devenir populaire.

Dans une démarche visant à faire comprendre que ce que nous métions au rebut était aussi digne d'admiration et d'exposition, César arpenta pour la première fois les terres inexplorées du recyclage qui allait devenir une préoccupation constante de notre société quelques années plus tard.

Semblable et unique

Arman avait une démarche très proche de celle de César. Sculpteur aussi, il ne compressait pas, mais accumulait ces mêmes objets usuels, familiers. Des pendules aux valises (deux sculptures qui ornent l'entrée de la Gare Saint-Lazare), des tubes de gouaches aux violons, Arman accumula pour qu'au milieu du nombre, de la multitude, nous puissions encore discerner l'unique, le seul... même s'il est semblable aux autres !

Mouvement infiniment « politique » et précurseur, le Nouveau Réalisme a installé, durablement, la France à l'avant-garde de l'Art, aux côtés des américains du Pop Art et des espagnols de l'Art Brut, mais il a aussi permis de découvrir des artistes d'une nouvelle génération, les premiers a avoir connu une reconnaissance médiatique passant d'abord par la télévision; des précurseurs !

© Textes & Photos: Natacha PELLETIER pour PASSION ESTAMPES