Festival de BD de Sollies-Ville

A Sollies-Ville (Var), depuis 22 ans maintenant, les veilles de rentrée sont synonymes de réjouissances bédéphiliques.
Nichée dans le massif de la Sainte-Baume, la ville est sise tout là haut, là où il faut la mériter, là où le mistral parvient même à décoiffer les chauves !
Pourtant une fois parvenu sur la place où le festival prend ses quartiers, entre découverte et trésors longuement recherchés, c'est le Graal du passionné qui s'offre à vous.

Mézières dans les bleus

Lady Polaris est une sérigraphie de 1988 reprenant la couverture de la bande dessinée du même titre, scénarisée par Christin et dessinée par Jean-Claude Mézières.
De port en port, on y suit l'enquête autour du naufrage d'un bateau au nom aussi féminin qu'envoutant : le Lady Polaris. Pour ce visuel, Mézières à travaillé sur les bleus qu'il aime tant et les a déclinés, à coup de noirs et de blancs, entre l'océan et la nuit. Dôté de cette somptueuse palette, il nous offre une sérigraphie en huit couleurs, où mouvement, construction et douceur s'allient pour le meilleur !

Un baiser

Lidwine ressucite les contes et les légendes, comme il aime à le faire, pour une sérigraphie haute en couleurs et sublime en détails.
Et c'est un baiser fougueux, qui emporte tout sur son passage, que ce romantique, aventurier, inclassable, breton têtu et fier de l'être, nous offre dans l'éclat de couleurs tranchées et d'un trait qui n'est pas sans rappeler ceux des grands graveurs du XVIIIe siècle.

L'immense Schuiten

François Schuiten aime les villes où les tours sont comme des êtres vivants, reliés les uns aux autres par de tentaculaires liens, flirtants entre le mécanique et l'organique. Quant à ses ciels, ils deviennent des aires de passage pour des bateaux ailés et des avions repensés, biscornus, babeliens.
Le Gigantic, énorme aérostat, à l'origine inconnue, personnage à part entière des Cités Obscures est là pour nous rappeler qu'il n'y a aucune frontière à l'imagination de Schuiten et c'est tant mieux !

Ambiance Jazzy

Jessica Blandy, écrivain, blonde, peu farouche et infatiguable voyageuse, s'arrête, pour nous, dans un club de Jazz de la Nouvelle-Orléans, dans une Amérique made in 80', bien avant Bush et Katrina, dans un monde de couleurs flashies et de soirées qui n'en finissent jamais.
Classique dans le trait, Renaud est un coloriste subtil qui sait recréer un monde à coups de touches chromatiques d'une grande maîtrise.

Délabrement chez De Crecy

Il y a quelque chose de fascinant dans la décrépitude des lieux mis en images par De Crecy ! Ils sont là, mais en pleine mutation, tentant de disparaître, comme si la terre et le temps en avaient absorbé la modernité et la rutilance de jadis.
Et tandis que de petites souris deviennent habitants de nos immeubles haussmaniens, on mesure toute la désillusion de conquérants vaincus par la simple évidence du temps qui passe sans jamais se retourner, et laisse les vainqueurs d'hier aux portes de l'amère défaite...

Un pirate chez Tarquin

Quand Tarquin ne nous fait pas découvrir les arcanes du monde de Troy, il rend parfois hommage aux super-héros, comme avec ce pirate que ne renierait point Spiderman comme adversaire de ces aventures arachnéennes !
A l'aide d'une irréprochable technique en sérigraphie, il mêle le vide d'un ciel uniformément bleu avec le plein de cordages aléatoires venus d'un hypothétique et invisible navire. Il mêle également le rouge et le bleu, le classique et le futuriste... Du grand Tarquin !

Bilal au Creusot

Enfin, un dernier regard vers Enki Bilal, avant de lui consacrer entièrement notre prochaine newsletter. Bilal qui revisite ici Le Creusot, pour une rencontre/expo en 2006, mais qui, au-delà d'une ville et d'une région, regarde par delà les murs vers un ailleurs qui pourrait être la Russie du début du siècle, celle qui lui permet de lorgner graphiquement vers le constructivisme se heurtant aux images d'Epinal du bolchévisme naissant.
D'une beauté plastique exceptinnelle, en couleurs chaudes (une rareté chez Enki), il nous offre une rencontre entre diverses influences, où il convient également de noter les petites silhouettes d'une famille aux portes de l'exil sur un quai de gare... une image récurrente chez l'artiste, gravée dans sa mémoire d'enfant.

© Textes & Photos: Natacha PELLETIER pour PASSION ESTAMPES